Tome III - La Science

Chapitre 3 - La Civilisation Islamique et la Science

par Anthony Ghelfo 2015

Introduction


Dès ses débuts, il faudra très peu de temps à l'islam pour se répandre à travers le monde. Au départ, une nation arabe fondée par le prophète de l'islam Muhammad (P  ), puis très vite après, durant les périodes de califats, cette nation se transformera en une véritable civilisation, s'étendant de l'Inde à l'Espagne.

Les musulmans se sont donc confrontés à différents peuples, différentes cultures, établissant de nouvelles rencontres avec le monde extérieur. Tissant des liens avec les civilisations voisines, antiques ou contemporaines, constituant de nombreux carrefours et lieux du savoir, une des civilisations les plus fructueuses scientifiquement parlant en émergera.

De Damas, à Bagdad en passant par l'Andalousie, durant plusieurs siècles, nous assisterons alors, à la naissance de très grands noms fondateurs des sciences de notre temps.

«  […] Il était une fois, une civilisation qui était la plus grande du monde. Elle était en mesure de créer un super-Etat continent, qui s'étendait d'un océan à un autre océan, des climats nordiques aux tropiques et déserts. Dans son territoire vivaient des centaines de millions de personnes de différentes confessions et origines ethniques. L'une de ses langues est devenue le langage universel de la majeure partie du monde, le pont entre les peuples de centaines de terres. Ses armées étaient composées de gens de nombreuses nationalités, et sa protection militaire a permis un certain degré de paix et de prospérité qui n'avait jamais été connue. La portée du commerce de cette civilisation s'étendait de l'Amérique Latine à la Chine, et partout entre les deux. Et cette civilisation a été conduite plus que tout par l'invention. Ses architectes concevaient des bâtiments qui défiaient la gravité. Ses mathématiciens créaient l'algèbre et les algorithmes qui permettraient la construction des ordinateurs, et la création du chiffrage. Ses docteurs examinaient le corps humain, et trouvaient de nouveaux traitements pour la maladie. Ses astronomes observaient les cieux, nommaient les étoiles, et préparaient le terrain pour le voyage spatial et l'exploration. Ses auteurs créaient des milliers d'histoires. Des récits de courage, de romance et de magie. Ses poètes écrivaient sur l'amour, quand d'autres avant eux étaient trop imprégné par la peur de penser à ce genre de choses. Quand d'autres nations avaient peur des idées, cette civilisation prospérait sur eux, et les maintenait vivant. Quand les censeurs menaçaient d'anéantir les connaissances des civilisations passées, cette civilisation maintenait cette connaissance en vie, et la transmettait à d'autres. Alors que la civilisation moderne Occidentale partage beaucoup de ces traits, la civilisation dont je parle est le monde islamique de l'année 800 à 1600, dans lequel était compris l'Empire Ottoman et les tribunaux de Bagdad, de Damas et du Caire, et des dirigeants éclairés comme Suleyman le Magnifique. Bien que nous soyons souvent inconscients de notre dette envers cette autre civilisation, ses dons sont en grande partie notre héritage. L'industrie technologique ne pourrait exister sans la contribution des mathématiciens arabe. Poète-philosophe soufi comme Rumi ont défié notre conception de la nature et de la vérité. Des dirigeants comme Suleyman ont contribué à nos notions de tolérance et de leadership civique. Et peut-être que nous pouvons tirer une leçon à partir de son exemple: C'était un leadership fondé sur la méritocratie, et non pas l'héritage. C'était un leadership qui tirait parti de toutes les aptitudes d'une population très diversifiée - qui comprenait à la fois les traditions chrétienne, musulmanes et juives. » — Carly Fiorina387

Dans ce troisième chapitre, nous verrons comment l'islam, en tant que religion, est à l'origine de cet essor et n'a aucunement constitué un frein dans ce processus, bien au contraire. Puis, nous essaierons de faire un inventaire résumant au maximum le développement technique et scientifique, éthique surtout, de la civilisation musulmane entre le VIIIème et le XVème siècle. Pour terminer, nous tenterons de démontrer comment l'islam accorde une place importante à l'éducation et à l'instruction des fondamentaux.

Islam, Religion et Science ?


Si, dans notre premier livre, nous avons déjà en partie traité ce sujet, à savoir de la nécessité de la science pour acquérir la foi, cela est d'autant plus vrai en ce qui concerne l'islam. On traitera ce sujet de manière assez théologique, mais nous procédons ainsi pour montrer qu'il s'agit bien du discours religieux, soit des textes fondamentaux, qui appellent à la science. La Science a une place privilégiée dans l'islam, et cela dès les origines.

Dans la tradition musulmane, la première chose que Dieu créa, avant même les cieux et la terre, est le kalam (la plume/roseau selon les traductions). C'est le moyen dont se servira Dieu pour écrire toutes la Science de l'invisible et du visible, tout ce qui existe dans les cieux comme sur la terre.

{ [...] J'ai entendu le Messager d'Allah (P  ) dire : « La première chose que Dieu a créé était la plume. Il lui dit : Écrit. Elle a demandé : Que dois-je écrire, mon seigneur ? Il a dit : Écrit ce qui a été décrété sur tout jusqu'à ce que la dernière Heure arrive. […] }388

Selon la tradition toujours, la Plume a écrit dans le Livre-Mère, le Livre contenant toutes destinés de toute chose jusqu’à la fin des temps. Il s'agit d'un Livre qui est auprès de Dieu.

{ [...] Je suis arrivé à la Mecque et ai rencontré 'Ata ibn Abi Rabab, je lui ai dit : « Ô Abu Muhammad, les gens d'Al-Basrah parlent de la Destiné (Al-Qadar) ». Il dit : « Ô mon fils, sais-tu réciter le Coran ? » J'ai dit : « Oui ». Il a dit : « Ensuite, récite (la sourate) Az-Zukhruf pour moi. » Il a dit : « Alors, je récitais : ( Ha Mim. Par le livre manifeste, en vérité, Nous en avons fait un Coran en arabe claire pour que vous soyez en mesure de comprendre. Et, en vérité, il est dans le Livre-Mère avec nous, sublime et plein de sagesse.) Puis il dit : « Savez-vous ce qu'est le Livre-Mère ? J'ai dit : « Allah et Son Messager le savent mieux. » Il a dit : « C'est un livre que Dieu a écrit avant la création des cieux, et avant la création de la terre. [...] En effet, j'ai entendu le Messager d'Allah (P  ) dire : « En vérité, la première chose de ce qu'Allah a créé était la Plume. Alors il a dit : «. Écrits la Destiné de ce qui est, et de ce qui doit être, jusqu'à la fin. » }389
{ [...] « J'ai entendu le Messager d'Allah dire : « En vérité, le premier de ce qu'Allah a créé était la Plume. Il (Allah) lui dit : « Écrit ». Ainsi, elle a écrit ce qui sera pour toujours. » }390

La Parole de Dieu est incréée parce que la première chose que Dieu a créée n'est justement pas la Science. La Science préexistait déjà en Allah.

( Quand bien même tous les arbres de la terre se changeraient en calames [plumes pour écrire], quand bien même l'océan serait un océan d'encre où conflueraient sept autres océans, les paroles d'Allah ne s'épuiseraient pas. Car Allah est Puissant et Sage. )391

Dieu est donc Omniscient, le Savoir est une des Ses qualités premières. Parmi les 99 noms de Dieu, on trouve: Al-Fattāh (Celui Qui seul connait les clés du futur et l'inconnu, de par Sa connaissance et de par Sa sagesse) et Al-‘Alīm (Celui à qui rien ne peut se cacher, car Il connait tout et est conscient de tout).

Donc si Dieu est Omniscient, alors l'homme se doit, pour se rapprocher de Lui, de chercher la Science.

Comme nous l'avions également vue dans notre premier ouvrage, dans la tradition musulmane, lorsque Dieu créa Adam, après lui avoir insufflé une âme, Il lui apprit le nom de toute chose.

( (31) Et Il apprit à Adam tous les noms (de toutes choses), puis Il les présenta aux Anges et dit : « Informez-Moi des noms de ceux-là, si vous êtes véridiques ! » (dans votre prétention que vous êtes plus méritants qu'Adam). (32) Ils dirent : « Gloire à Toi ! Nous n'avons de savoir que ce que Tu nous a appris. Certes c'est Toi l'Omniscient, le Sage ». )392

Cette Science acquise par Adam, lui donna alors un statut supérieur par rapport à tout autres créatures, anges, djinns, incapables de dénommer autant de chose que pouvait le faire Adam, délimités par ce que Dieu a bien voulu leur apprendre. Ce premier récit montre que la science est une dimension importante de l'homme, qui le caractérise, et qui le dissocie des autres créatures, limitées dans leur communication.

Puis, on retrouve l'importance de la science, lors de l'origine de la descente de la Révélation sur Muhammad (P  ). Les premiers versets descendus sur le prophète de l'islam sont les suivants :

( (1) Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé, (2) qui a créé l'homme d'une adhérence. (3) Lis ! Ton Seigneur est le Très Noble, (4) qui a enseigné par la plume [le calame], (5) a enseigné à l'homme ce qu'il ne savait pas. )393

Ce passage du Coran qui évoque de nouveau le récit d'Adam, renvoie également au message de la Révélation. Ce qui a été traduit par « plume », est de nouveau le mot « kalam », correspondant en réalité à l'équivalent du logos. C'est le discours dialectique logique, cohérent, vrai, rationnel, inaltérable et sans forme. C'est à la fois, la Vérité, la Connaissance, et le Verbe de Dieu, qui s'est manifesté à travers tous les prophètes, et qui se manifeste dans toute la Création. Toutes les Révélations Divines émanent du Livre-Mère.

Octroyé l'Omniscience (un attribut qui n'appartient qu'à Dieu), que ce soit au prophète de l'islam ou à ses compagnons est une chose condamnable. Il n'a pas été rare que le prophète empreinte l'avis de ses compagnons ; c'était un homme avant tout à l'écoute.

( Et ne poursuis pas ce dont tu n'as aucune connaissance. L'ouïe, la vue et le cœur : sur tout cela, en vérité, on sera interrogé. )394

L’ouïe est le premier sens que Dieu nous a donné, avant la vue. Faites l'expérience suivante : regarder une vidéo (conférence, documentaire, ou film), sans connaître le sujet traité, sans savoir ni le titre, ni le synopsis. Regardez-la une première fois sans le son. Vous verrez que vous ne comprendrez rien, au mieux vous comprendrez seulement de quoi il est question, mais n'en tirerez aucune information. Maintenant, enlevez l'image, et ne mettez que le son. Vous pourrez alors tout comprendre. Donc l’ouïe est plus importante que la vue, car l’oreille peut être difficilement trompée, alors que la vision est à l'origine de tous nos préjugés.

L’ouïe est le sens premier de la sagesse et de la connaissance.

On peut voir également l'importance de la Science en islam, dans le statut particulier donné aux savants. Ce sont eux qui sont les plus à même de reconnaître la véracité du Coran, comme émanant du divin, et être dans la crainte révérencielle de Dieu.

( Il y a pareillement des couleurs différentes, parmi les hommes, les animaux et les bestiaux. Parmi Ses serviteurs, seuls les savants craignent Allah. Allah est, certes, Puissant et Pardonneur. )395
( Telles sont les paraboles que Nous citons aux gens; cependant, seuls les savants les comprennent. )396

Les véritables savants doivent être en premier lieu à l'écoute. Ils ne peuvent se contenter uniquement du Coran et de la Sunna:

( (Nous les avons envoyés) avec des preuves évidentes et des livres saints. Et vers toi, Nous avons fait descendre le Coran, pour que tu exposes clairement aux gens ce qu'on a fait descendre pour eux et afin qu'ils réfléchissent. )397

La Révélation n'est pas une fin en soi, et c'est ce qui a donné naissance aux Tafsir, exégèses coraniques, qui devraient normalement, s'appuyer non pas uniquement sur les sciences religieuses, mais aussi sur les sciences profanes. Aujourd'hui, ils devraient être aussi à l'écoute des universitaires, des gens de sciences et de la recherche dans tous les domaines de la vie.

Petit aparté : Saviez-vous que le mot Taliban signifie « étudiant » ou « chercheur », et qu'en Afghanistan, les talibans étaient des universitaires, qui ont tenté de se révolter contre le pouvoir afghan qui laissait, et qui laisse toujours aujourd’hui, les États-Unis disposer de leur territoire pour le trafic de drogue.

Au VIIème siècle, le peuple arabe n'était pas encore prêt à recevoir toute la connaissance que Muhammad (P  ) a enseignée à certains de ces compagnons. Il n'a transmis globalement que la science religieuse, alors que le prophète savait bien plus de choses que ce qu'il leur avait transmis. Mais il était trop en avance sur son temps. La majorité des compagnons, tout comme le prophète ne savaient ni lire ni écrire. Abu Huraira, l'un de ses compagnons, rapporte qu'il ne pouvait pas tout divulguer sous peine d'être tué, sous-entendu, sous peine d'être pris pour un fou.

{ Rapporté par Abu Huraira : J'ai mémorisé deux types de connaissances du Messager d'Allah (P  ). J'ai propagé l'une d'elles, quand à l'autre, si je la divulgue, mon pharynx (gorge) serait tranché.}398

C'est la raison pour laquelle, les savants sont les successeurs des prophètes. Ils doivent continuer ce travail de transmission du message, et l'instruction du peuple pour qu'il puisse s’élever, et acquérir de nouvelles connaissances, qu'ils pourront accepter plus facilement.

{ Abu Dardà' a dit : « J'ai entendu le Messager de Dieu dire : « Celui qui prend un chemin à la recherche d'une science, Dieu lui facilite une voie vers le Paradis. Les Anges abaissent leurs ailes (par humilité) devant le chercheur de science en signe de satisfaction de ce qu'il a fait. Tous les habitants des cieux et de la terre, jusqu'aux poissons dans l'eau prient pour l'absolution du savant. La supériorité du savant par rapport au dévot est égale à la supériorité de la lune par rapport à l'ensemble des étoiles. Les savants sont les héritiers des prophètes. Or les prophètes n'ont laissé en héritage ni dinar, ni dirham mais ils ont laissé la science. Celui qui la recueille a recueilli une part énorme ».}399

La place des savants dans l'islam leur confère une élévation spirituelle, qui se reflétera le jour du Jugement, et Dieu leur fera une place toute particulière au Paradis.

( Ô vous qui avez cru ! Quand on vous dit : « Faites place [aux autres] dans les assemblées », alors faites place. Allah vous ménagera une place (au Paradis) Et quand on vous dit de vous lever, levez-vous. Allah élèvera en degrés ceux d'entre vous qui auront cru et ceux qui auront reçu le savoir. Allah est parfaitement Connaisseur de ce que vous faites. )400

Il y a également une importance accordée à la diffusion de la science, comme nous le verrons dans l'article suivant, car la transmission des paroles prophétiques permet d'éveiller les savants. Cacher la vérité, est prohibé en islam.

{ Le Prophète (P  ) a dit: Celui qu'on a interrogé sur une chose, qu'il sait mais qu'il dissimule, il aura une bride de feu sur lui le Jour de la Résurrection.}401
{ [...] [Le messager de Dieu] a dit : [...] Il incombe à ceux qui sont présents d'informer ceux qui sont absents parce que ceux qui sont absents pourrait comprendre (ce que j'ai dit) mieux que le public présent.}402

Parmi les classes de savants, il y a celles que nous avions décrites dans notre premier livre, comme les savants qui connaissait l'islam, et apprenait par cœur les versets et les ahadith. Ces derniers restent importants, car par leur transmission du savoir religieux, ils permettent au second type de savants d'émerger.

{ J'ai entendu le Messager d'Allah (P  ) dire : Qu'Allah éclaire l'homme qui entend une tradition de nous, l'apprend par cœur et la passe à d'autres personnes. Beaucoup de porteur de connaissances, les transmet à celui qui est plus versé que lui ; et plus d'un porteur de la connaissance n'est pas versé en elle.}403

Mais l'islam, ne se cantonne pas seulement à demander aux savants de faire des efforts, même le musulman lambda doit avoir sa propre manière de réfléchir, sans quoi, il risquerait d'être manipulé.

Rechercher la science est un devoir pour tout musulman404 :

{ Anas bin Malik, a rapporté : Le Messager d'Allah (P  ) a dit : « La quête du savoir est obligatoire pour chaque musulman […] }405

Ce qui montre bien qu'il y a une véritable incitation dans cette religion, à vouloir élever spirituellement les hommes, et l'humanité en générale.

( Que soit exalté Allah, le Vrai Souverain ! Ne te hâte pas [de réciter] le Coran avant que ne te soit achevée sa révélation. Et dis : « Ô mon Seigneur, accroît mes connaissances ! » )406

De nombreux recueils de hadith (paroles traditionnelles rapportées du prophète), comme Sahih al-Bukhari, Sahih Muslim, Jami` at-Tirmidhi et Sunan Abu Dawud comportent chacun un livre ou un chapitre sur la connaissance, et pour écrire cet article, afin ne pas trop le surcharger en information, nous avons fait des recherches uniquement sur quatre d'entre eux.

On y apprend également, dans les traditions prophétiques du messager de Dieu, que l'ignorance et la dégradation de la science sont des signes de l’arrivée de l'Heure (la Fin des Temps), et donc marqueur, que l'humanité se porte mal.

Certains ahadith rapportés par le recueil de Muslim mais aussi de Bukhari, aujourd’hui, ne sont pas traduits en français, ni en anglais, car ils dérangent certaines visions idéologiques mondialistes.

À travers cet article nous voulions démontrer qu'il s'agit bien du discours religieux traditionnel et originel qui aspire à la connaissance, et que l'Âge d'Or de l'islam est avant tout influencé par ses sources scripturaires. La recherche de la science est commandée dès ses débuts aussi bien au savant, qu'au musulman du quotidien. La connaissance devrait s'étendre, bien plus loin qu'uniquement la science religieuse, mais également dans tous les domaines de la vie qui permettent aux musulmans d'évoluer convenablement en société.

L'importance de l'éducation en islam ?


Après avoir vu que la Science est un élément important dans la religion de l'islam, pour qu'elle perdure, il faut donc la transmettre.

{ Il a été rapporté que Abdullah ibn 'Amr a dit : « Un jour, le Messager d'Allah sortit d'un de ses appartements, et est entré dans la mosquée, où il vit deux cercles (de musulmans), l'un récitant le Coran et implorant Allah, et l'autre en train d'apprendre et d'enseigner. Le Prophète a dit : « Tous les deux sont de bonnes choses. Ces personnes récitent le Coran et implorent le pardon auprès d'Allah, et s'Il veut, Il leur donnera, et s'Il veut, Il leur refusera. Et ces personnes sont en train d'apprendre et d'enseigner. En vérité, j'ai été envoyé en tant qu'enseignant ». Puis il s'assit avec eux. }407

Apprendre à lire et à compter sont les choses les plus fondamentales. Nous avions vu que le premier mot du Coran qui a été révélé au prophète Muhammad (P  ) est : « Lis », du verbe « Lire ». Le miracle ici est qu'il est attesté aussi bien par les historiens et les théologiens que le prophète était illettré. C'est donc lui qui a été choisi pour transmettre la dernière Révélation, parce qu'il était surement le plus apte à comprendre l'importance de la lecture et de l'écriture. Mais illettré ne signifie ici non pas idiot, mais qu'il ne savait ni lire ni écrire. Et malgré ça, pour combler le déficit de la lecture et de l'écriture, tous les enseignements religieux du prophète, ne faisant pas partie du Coran, ont été mémorisés et transmis par la tradition orale, ainsi que par la méthodologie du hadith. Ce qui explique pourquoi, en si peu de temps la science religieuse de l'islam sera des plus développée dans le monde, faisant clairement de l'ombre aux corpus Juifs et Chrétiens, beaucoup moins investit dans l'effort de réflexion de leur religion, que ce fut le cas pour l'ensemble des musulmans.

{ [...] [Le messager de Dieu] a dit : [...] Il incombe à ceux qui sont présents d'informer ceux qui sont absents parce que ceux qui sont absents pourrait comprendre (ce que j'ai dit) mieux que le public présent.}408

Les paroles du prophète étaient rapportées par les chaînes de transmissions, dont le premier auditeur devait être forcément un de ses compagnons. Cette importance pour la tradition orale faisait que même l'aveugle pouvait être un maître du hadith.

Une des facettes du prophète de l'islam que nous n'avons pas exposée lors de notre présentation dans le premier livre, est qu'il a été également un enseignant (mu'allim en arabe).

( Notre Seigneur ! Envoie l'un des leurs comme messager parmi eux, pour leur réciter Tes versets, leur enseigner le Livre et la Sagesse, et les purifier. Car c'est Toi certes le Puissant, le Sage ! )409

Le prophète ne peut être considéré ni comme un guide ni comme un gourou, il s'en distingue clairement, et le Coran rappelle que Muhammad (P  ) n'a été envoyé que pour transmettre le message divin, et non pour contraindre ni convertir les gens. Il est seulement là pour avertir, et leur enseigner quel est le chemin qui mène à Dieu, qu'il existe et comment l’emprunter ; il n'est aucunement responsable de ceux qui s'en écartent.

Cette voie tracée est celle du droit chemin, celle de la Vérité, suivit par tous les prophètes, qui eux aussi ont été envoyés pour enseigner et avertir leur peuple. Il n'existe aucun récit dans le Coran, qui narre l'histoire d'un prophète ayant contraint de convertir les hommes à la religion de Dieu par la force. Au contraire, ils étaient tous investis d'une sagesse, chaque prophète est un symbole représentant une facette de la connaissance.

D'après l'islam, chaque prophète a été envoyé à son peuple, pour les avertir du châtiment divin, mais pas seulement :

( C'est qu'en effet Allah ne modifie pas un bienfait dont Il a gratifié un peuple avant que celui-ci change ce qui est en lui-même. Et Allah est, Audient et Omniscient. )410

Les prophètes sont venus réformer leur peuple, les éduquer d'une certaine façon, les remettre dans le droit chemin, et les élever spirituellement. D'où l'importance de l'éducation pour l'accès à la spiritualité, car la meilleure des civilisations est la plus éduquée, quand à celle qui n'éduque pas ces enfants, finira par disparaître. Le mondialisme s'est créé de cette manière. On le voit dans les villages reculés d'Afrique, de l'Asie Orientale, ou encore de l'Amérique du Sud, mais aussi en Europe, les enfants non éduqués selon les codes et les cultures de leurs ancêtres, sont attirés par la perversité des grandes villes au modèle occidental. Cela est une des raisons de la destruction des traditions et de la diversité du monde. En France, aujourd’hui dans les écoles, par la théorie du genre, projet mondialiste également, on essaye de brouiller l'identité sexuelle des enfants, pour les éloigner de la tradition Judéo-Chrétienne, qui a constitué les fondements de la France près d'un millénaire.

Si la meilleur des civilisations est la plus éduquée, alors la civilisation islamique, de sa naissance, jusqu'à la l'époque de la Renaissance européenne, sera sûrement la civilisation la plus élevée qu'est connue l'humanité dans l'Histoire.

Pour créer une grande civilisation, il faut donc éduquer les gens. C'est ce qu'a compris l'islam en suivant la voie de son Prophète. La civilisation islamique, en ayant surpassé l'Occident du Moyen-Age marque un événement unique dans l'histoire. Jamais aucune civilisation ne s'était élevée au-dessus d'une autre préalablement plus avancée qu'elle.

L'éducation eut une place importante dès les premiers instants de l'islam. Tout commence à l'époque du prophète, où les prisonniers des différentes batailles, pour se libérer, avaient le moyen de le faire en apprenant à lire et à écrire à dix enfants musulmans. On y voit ici toute la pédagogie et le pragmatisme du Messager de Dieu (P  ) dans son programme de réinsertion des esclaves de guerre en société, qui, d'une part, au contact de la population, les prisonniers n'éprouvent plus de rejet pour l'islam, mais d'autre part, ils contribuent à l'éducation des musulmans.

Des personnes venaient de très loin pour apprendre du prophète, ou pour vérifier qu'il était bien un envoyé de Dieu. Même les Juifs de l'époque l'ont testé, lui tendant des pièges, pour voir si son discours venait confirmer les écritures de la Thora. Le prophète répondait toujours aux questions quand il connaissait la réponse.

{ Il a été rapporté que Mu'awiyah ibn Al-Hakam As-Sulami a dit : [...] « Pendant que je priais avec le Messager d'Allah (P  ), un homme a éternué et j'ai dit alors : « Yarhamuk-Allah (qu'Allah vous fasse miséricorde). » Les gens me regardèrent et je dis : « Puisse ma mère être privée de moi [malheur à vous], pourquoi me regardez-vous ainsi ? » Les gens frappèrent leurs mains contre leurs cuisses, et lorsque j'ai vu qu'ils me demandèrent de rester tranquille, je me suis tenu silencieux. Lorsque le Messager d'Allah (P  ) termina, il m'appela. Puisse mon père et ma mère se tenir garant de lui, il ne m’a ni frappé, ni punis, ni blâmé. Je n'ai jamais vu un meilleur maître que lui, que ce soit avant ou après. Il [le prophète] a déclaré : « La prière des nôtres n'est pas le lieu pour la parole humaine ordinaire, mais elle est plutôt la glorification d’Allah (SWT*), et la récitation du Coran. »}411

Dans ce hadith on peut voir toute la douceur du prophète, alors que les gens autour de Mu'awiyah faisaient des signes d'agacement, le prophète ne répondait jamais avec violence. Le prophète n'a jamais frappé personne, et il est a déploré que certaines paroles de Muhammad (P  ) soit mis sur le devant, comme le hadith qui concerne le fait que le prophète aurait autorisé de battre son enfant à partir de l'âge de 10 ans dans le cas où il n'accomplirait pas la prière. Corriger son enfant est une chose qui peut arriver, mais dans la religion de Dieu, cela ne peut se faire que sous certaines conditions, comme nous l'enseigne le Cheikh Al Habib Hussein as-Saqqaf.412

Ce qui nous interpellera également aussi est le fait que le prophète parlait à un enfant de bas âge, de la même façon qu'il le ferait à un adulte. Nous aimerions témoigner sur ce sujet, et relater une expérience personnelle. Durant nos études, nous prenions souvent le train pour pouvoir nous rendre à l'université, et un beau jour, nous nous trouvions assis derrière une petite fille, qui devait avoir entre 3 et 5 ans, et son papa. Nous furent surpris par le vocabulaire, mais également la syntaxe utilisée par cette petite fille à travers son langage, très riche avec des mots et des structures de phrases qu'un enfant de son âge n'utilise quasiment jamais. Et là nous remarquons, par la même occasion, que celui que nous supposons être son père, s'adresse à sa petite fille comme il s'adresserait à une personne adulte.

Cet enseignement du prophète est désormais confirmé par les chercheurs en neurologie, l'enfant qui commence à parler exige un langage complexe, et une diversité de mots pour décrire son environnement, afin qu'il stimule de manière optimum son activité cérébrale. D'autres études ont montré que les enfants ayant grandis dans les milieux défavorisés, du fait de ne pas être exposés à un vocabulaire riche dès les débuts de la vie, entraînait un risque d'avoir un champ lexical réduit plus tard.413

On rapporte aussi que le prophète était souriant. Un sourire apparaissait sur son visage avant de répondre, chaque fois qu'on l'interrogeait. Le prophète riait comme tout le monde, on retrouve même quelques plaisanteries qu'il a lui-même dites dans les ahadith, mais il a demandé aux musulmans de ne pas rire à gorge déployée, ni de rire par moquerie. Beaucoup de comportements étaient enseignés par le prophète de l'islam, que même en Occident, nous avons encore :

{ Il a été rapporté d'Abû Hurayra que le Messager d'Allah (P  ) a dit : « Quand quelqu'un de vous bâille, qu'il mette sa main devant sa bouche et qu'il ne fasse pas de bruit, parce que [lorsqu'il fait du bruit] Satan se moque de lui. » }414

Tous ces petits comportements sont des marqueurs de dignité humaine, et de respect d'autrui. Et c'est en enseignant ce genre de comportement que l'on éduque un peuple, pour qu'il puisse s'élever et devenir une civilisation.

Un autre marqueur de l'importance de l'éducation en islam est la mosquée. Elle n'est pas seulement un lieu de culte pour les musulmans, mais est également une institution sociale et éducative, et cela, dès les débuts de l'islam. Le prophète, peu après l'Hégire, construit avec ses compagnons la première mosquée à Médine. Elle était constituée de trois grandes parties distinctes : une première grande salle pour la prière, et les devoirs des musulmans, un espace pour l'enseignement (Suffah), et des petites chambres pour la famille du prophète. Cette première mosquée peut être considérée comme la première école islamique. Comme nous l'avions dit dans l'article précédent, le programme des enseignements était très peu varié, le prophète a avant tout insisté sur tout ce qui sera lié ou nécessaire à l'islam, comme l'écriture, la lecture (du Coran, en l'occurrence, et sa récitation plus précisément), les sciences morales, la jurisprudence musulmane. L'arithmétique, la médecine, l'hygiène, l'astronomie et la généalogie sont les premières sciences que l'on peut qualifier de profane dont on pouvait déjà trouver les enseignements à cette époque. Et ces enseignements pouvaient être retrouvés dans tout Médine, il n'y avait pas moins de neuf mosquées à Médine durant le vivant du prophète.415

D'ailleurs, c'est dans cette première mosquée, nommée plus tard Masjid al-Nabawi (La mosquée du Prophète), que l'on retrouvera les plus grands noms ayant côtoyé le prophète, parfois instituteurs, parfois élèves :

« [...] Les élèves de la Suffah se préparaient sans cesse à se rendre dans les différentes régions de l'Arabie comme missionnaires, comme instituteurs, comme porteurs de foi. C'est parmi eux qu'on trouve les premiers mystiques musulmans. Ils ont laissé un tel souvenir de l'idéal islamique que plusieurs auteurs ont dressé des listes et des dictionnaires biographiques des élèves de la Suffah. On y rencontre les noms les plus célèbres, tels le grand juriste Ibn Mas'ûd, le grand savant 'Abdallâh (fils du Calife 'Umar), le noir, Bilâl, muezzin du prophète, Hanzalah (fils du moine Abû 'Amir), le grand mystique Abû Dharr, le Grec Suhaib, le Persan Salmân, le célèbre traditionniste Abû Hurairah, le conquérant de la Mésopotamie Sa'd ibn Abî Waqqas, entre autres. On cite parmi eux des ressortissants des tribus les plus lointaines de l'Arabie, et il n'y a rien d’étonnant. » — Muhammad Hamidullah416

Les femmes ne sont pas laissées de côté. L'islam est venu réformer et combattre toutes les atrocités de la période pré-islamique, dite aussi époque de l'ignorance, où il était considérée comme un malheur d'avoir une fille, et dont les nourrissons finissaient parfois par être enterrés vivants.

( (8) et qu'on demandera à la fillette enterrée vivante (9) pour quel péché elle a été tuée. )417

L'islam viendra élevée la position de la femme dans la société, et cela commence par ne pas les exclure de la religion. Le prophète réservait un jour de la semaine pour répondre uniquement aux questions des femmes.

{ Rapporté Abou Sa'id Al Khoudri : Certaines femmes ont demandé au Prophète (P  ) de fixer un jour pour elles, du fait que les hommes lui prenaient tout son temps. Sur ce, il leur promit un jour pour des cours de religion et des commandements. Une fois, lors d'une telle leçon, le Prophète a dit : « Une femme dont les trois enfants meurent sera protégé par le feu de l'Enfer. » Une femme a demandé : « Si seulement deux meurent ? » Il répondit : « Même deux (la protégera du feu de l'Enfer). }418

Même si l'islam insiste beaucoup sur le rôle de mère de la femme, et d'éducatrice dans le foyer, cela ne s'arrête pas là.

{ Rapporté Abou Moussa: Le Messager d'Allah (P  ) a dit : « Celui qui a une esclave, l'éduque et prend soin d'elle; puis l'affranchi et l'épouse, aura une double récompense. » }419

Il y a une réelle volonté d'éduquer la femme au même titre que l'homme. La femme musulmane a également l'obligation de chercher la science tout comme le musulman420. Si Hafsa, femme du prophète était garante du Coran durant un temps, c'est avant tout parce qu'elle savait lire et écrire.

Une autre femme du prophète, Aïcha s'est distinguée dans la jurisprudence musulmane, et bien d'autres disciplines. Elle a elle-même formé des savants, qui ont formé à leur tour des savants de grande renommé. Il y aurait eu pas moins de vingt femmes juristes parmi les compagnons du prophète selon l'historien ibn Hazm.

Et cela a perduré après la période de vie du prophète, on en veut pour preuve, que le premier modèle d'institution universitaire, reconnu par l'UNESCO 421, et né dans la civilisation musulmane, et a été créé par une femme. Il s'agit de l'Université de Fèz, au Maroc, fondée par Fatima el Fihriya, surnommée Oum al Banine (La mère des deux fils).

Selon l'historienne Sigrid Hunke, au temps de l'âge d'or islamique, les chaînes de transmissions n'étaient pas seulement appliquées pour la science religieuse du hadith. Ainsi, si l'on apprenait une chose de tel médecin, de tel astronome ou de tel philosophe, les peuples de la civilisation islamique n'hésitait pas à utiliser les formules suivantes : « Selon untel ; d'après untel ; j'ai entendu dire d'untel ; untel a rapporté ; ... ». Il y avait déjà ce respect pour la propriété intellectuelle. Et ce qui a été remarquable durant cette période civilisationnelle, est que la science n'était pas réservée à une certaine élite. Lorsqu’aujourd'hui tout le monde veut aller voir le dernier film sortie au cinéma, ou posséder le dernier album de musique, ou encore acheter les derniers vêtements à la mode, durant l'apogée de la civilisation islamique, dans cette contrée du monde, les hommes, de n’importe qu'elle condition sociale, souhaitaient posséder des livres de sciences.

Mais pour arriver à ce résultat, il fallait automatiquement un travail d'enseignement pour que les différents peuples constituants la civilisation musulmane naissante puissent lire ses livres. Selon Sigrid Hunke, à cette époque, un homme de Cordoue, du Caire, ou de Bagdad ne pouvait être différencié. Le monde musulman était uniforme, et tout le monde souhaitait parler l'arabe classique, l'arabe du Coran. Contraste avec l'Occident, où même la majorité des gens dit de science était illettrée, en raison d'un Christianisme voyant les sciences profanes comme hérétique.

Nous avions vu dans notre second livre, que peu de temps après la mort du prophète eut lieu un mouvement de traduction en arabe des œuvres des peuples conquis. De grandes bibliothèques se formèrent réunissant les ouvrages les plus prestigieux, des quatre coins de la civilisation. Les musulmans remettaient au goût du jour les grandes productions intellectuelles antiques, abandonnées par l'Occident. Mais comme nous le verrons dans les prochains articles, ils ne se sont pas contentés simplement de les rénover, mais les ont prolongés, les ont corrigés, développés, améliorés, et ont été porteurs de nouvelles théories.

En moins d'un siècle l'arabe qui était une langue tribale devient la langue internationale des sciences, si bien que certains savants de France, d'Italie, de Hollande, d'Allemagne, voyageaient dans les pays conquis de l'islam dans le sud de l'Europe, puis devenaient élèves de maîtres arabes. Ensuite, ils retournaient dans leur pays pour transmettre ce qu'ils avaient appris. C'est de cette manière que l'Occident renouera ses liens avec la philosophie grecque de l'Antiquité qu'elle avait enterré, et connaîtra alors sa Renaissance.

La Science, l'Islam, et son Influence sur l'Occident ? (1)


On essaiera de montrer ici, toutes les facettes de contact entre l'Orient et l'Occident durant l'Âge d'Or de l'Empire Musulman. On s'aidera du livre incontournable intitulé Le Soleil d'Allah brille sur l'Occident, de l'historienne Sigrid Hunke. Contrairement à ce qui a pu être dit, il s'agit bien de la civilisation Islamique, et non du monde Arabe uniquement, puisque les Perses, par exemple, ne sont pas des arabes. Le monde musulman du VIIème au XIVème siècle, que l'on peut sans aucune honte qualifier d'Empire, sûrement un des moins violents qu'est connu l'histoire des hommes, malgré les épisodes guerriers, dont l'éthique de guerre coranique sera étonnamment bien respectée par les chefs d'excursions musulmans.

« Lorsque nous étudierons les conquêtes des Arabes, et tâcherons de mettre en relief les causes qui ont détermine leur succès, nous verrons que la force ne fut pour rien dans la propagation du Coran, car les Arabes laissèrent toujours les vaincus libres de conserver leur religion. Si des peuples chrétiens se convertirent à la religion de leurs vainqueurs et finirent par adopter leur langue, ce fut surtout parce que ces nouveaux conquérants se montrèrent plus équitables pour eux que ne l'avaient été leurs anciens maîtres, et parce que leur religion était d'une plus grande simplicité que celle qu'on leur avait enseignée jusqu'alors. S'il est un fait bien prouve par l'histoire, c'est qu'une religion ne s'impose jamais par la force. Lorsque les Arabes d'Espagne ont été vaincus par les chrétiens, ils ont préféré se laisser tuer et expulser jusqu'au dernier plutôt que de changer de culte. Loin donc d'avoir été imposé par la force, le Coran ne s'est répandu que par la persuasion. Il est évident d'ailleurs que la persuasion seule pouvait amener les peuples qui ont vaincu plus tard les Arabes, comme les Turcs et les Mongols, à l'adopter. Dans l'Inde, où les Arabes n'ont fait en réalité que passer, le Coran s'est tellement répandu qu'il compte aujourd'hui plus de cinquante millions de sectateurs. Leur nombre s'élève chaque jour ; et, bien que les Anglais soient aujourd'hui les souverains du pays, bien qu'ils y entretiennent une véritable armée de missionnaires destinés à convertir au christianisme les mahométans, on ne connaît pas un seul exemple authentique de conversion ayant couronné leurs efforts. La diffusion du Coran en Chine n'a pas été moins considérable. Nous verrons dans un autre chapitre combien la propagande de l'islamisme y a été rapide. Bien que les Arabes n'aient jamais conquis la moindre parcelle du Céleste Empire les mahométans y forment aujourd'hui une population de plus de vingt millions d'individus. » — Gustave LeBon422

La civilisation arabo-musulmane a très largement influencé l'occident, et lui a inspiré sa Renaissance, on ne peut qu'en être convaincu. Cela a été longtemps pour les occidentaux et l'autorité de l'Église, vécu comme une honte, du fait de l'opposition théologique du message de l'islam, très peu connu et largement déformé, qui était vu par l'Europe comme l’œuvre du démon, constituant alors une véritable « menace pour la religion du Christ ». Aujourd'hui encore, les élites occidentales sont timides sur la question de l'influence du monde musulman sur l'Occident durant le Moyen-Âge, et vont parfois jusqu'à parler de mythe, ou encore, jusqu'à ternir cette période de l'histoire. Pourtant ils savent qu'une grande majorité de leurs idées libérales, étaient déjà présentes durant cette âge d'or, éparpillées à travers la densité de la pensée intellectuelle islamique, dont le peu de livres pourtant sont là pour témoigner de la diversité et l'ouverture de la pensée de cette époque.

« Qui se connait soi-même et connaît les autres
Saura reconnaître également ceci :
L'Orient et l'Occident
Sont indissolublement liés. »
— Johann Wolfgang von Goethe423

Si à l'école, on commence à nous enseigner la Renaissance, en étudiant les arts Italiens, cela n'est pas un hasard. Les musulmans arrivent dès le premier siècle après la naissance de l'Islam, à dominer la Sicile et l'Espagne, sans utilisation de la violence. Les premiers échanges commerciaux renforceront les liens entre les deux mondes.

Au début du Moyen-Âge, le vieux continent s'était renfermé sur lui-même à tous les niveaux, sciences, cultures, économie, le plongeant dans un âge sombre, avec ses nuances que l'on connaît, cela notamment en réaction à l'avènement de l'islam qui ne cessait de s'étendre. Ce n'est que plus tard, que l'occident se tourna vers la Méditerranée, tout d'abord par des accords commerciaux avec le monde arabe, ce dernier totalement florissant. L'une des premières villes à s'orienter vers ce nouveau monde est Venise. Constatant alors l'essor du commerce italien, il ne fut point longtemps pour que la France, l'Allemagne, la Hollande, mais aussi l'Angleterre et la Scandinavie, suivent, et s'ouvrent à leur tour économiquement sur l'Orient, reprenant ainsi la voie du développement.424

Le commerce est la première interface d'échange culturel entre l'orient et l'occident, avec par exemple dans les grandes villes européennes, et surtout en Italie, l’édification de places de marché construites sur le modèle des villes arabes, réservées aux commerçants nomades d'orient.

Grâce à leur démarche d'ouverture, et l'acceptation de prendre les nouvelles techniques arabes, leur science, et une partie de leur philosophie, ils redécouvriront l'esprit de la civilisation helléniste, complètement oublié, à cause d'une Église qui a longtemps rejeté la réflexion et la critique.

« Loin de se contenter d'avoir sauvé le patrimoine grec de la disparition et de l'oubli, puis de l'avoir transmis à l'Occident une fois méthodiquement ordonné, les Arabes ont créé la physique et la chimie expérimentales, l'algèbre et l'arithmétique au sens actuel du terme, la trigonométrie sphérique, la géologie et la sociologie. En plus d'innombrables découvertes et inventions précieuses dans le domaines des sciences expérimentales, découvertes et inventions souvent plagiées et faussement attribuées à d'autres, ils ont légué à la postérité le présent sans doute le plus précieux de tous : une méthode de recherche scientifique qui a préparé la voie à l'actuel développement, combien prodigieux, de la connaissance et de la maîtrise de la nature. » — Sigrid Hunke425

Pourtant, l'histoire d'occident reconnaît l'importance de la contribution des moines chrétiens dans l'origine de la Renaissance. Saint Thomas d'Aquin, Roger Bacon, Albert le Grand, des grands noms de la théologie chrétienne qui font encore autorité aujourd'hui, surgiront à la fin du Moyen-Âge, important de nouvelles idées et méthodes d'interprétations des textes saints, comme la scolastique.

Scolastique : Relatif, propre à l'enseignement des écoles de théologie et des universités du Moyen Âge, basé sur une méthode essentiellement déductive (infra II A). Théologie, philosophie, logique enseignées au Moyen Âge dans les universités et les écoles, qui avaient pour caractère essentiel de tenter d'accorder la raison et la révélation en s'appuyant sur les méthodes d'argumentation aristotélicienne.

En effet, les musulmans ont restauré les écrits philosophiques grecs, perses, hindous, et les ont traduits dans leur langue. Il est important de préciser « les musulmans » ici, et non pas seulement les Arabes. Mais c'est bien entendu la littérature hellénistes avant tout, qui, par le logos, rapprochera l'empire islamique de l'Occident. Les arabo-musulmans ne se contenteront évidemment pas seulement de retranscrire les grands écrits grecs, Aristote, Platon, Ptolémée, Gallien, Euclide, ils les commenteront, les amélioreront, les rectifieront et établiront leurs propres théories. La civilisation musulmane ne sera pas une copie du monde grec, mais aura ces propres codes, sa propre science, ses propres originalités culturelles, artistiques, et évoluera au niveau civilisationnel à un tel degré de connaissance et de technique, que les européens du XIXème siècle l'ayant étudiée ont avoué que l'âge d'or islamique n'avait rien à envier au développement industriel de l'époque moderne.

Averroès a joué un rôle important dans l'apparition de la scolastique en Europe. En traduisant et en commentant Aristote, il rendit son œuvre accessible. Lors de la mise en place des premières universités en Italie et en Espagne, sur le modèle multidisciplinaire arabe, l'on incitait à renouer le discours théologique avec les sciences naturelles, ce que l'occident chrétien avait totalement délaissé. Cette pensée ne pouvait provenir que de la philosophie musulmane, qui pendant plusieurs siècles, avait débattu sur cette conciliation entre la science et la religion, que le Coran transmet, par la demande d'examen rationnel de l'univers. On raconte également que les étudiants de philosophie qui étudiaient Aristote, à Bologne à la fin du Moyen-Age, avaient en leur possession les commentaires d'Averroès traduit en latin.

Les grands théologiens musulmans semblaient moins en contact avec l'occident, ibn Al-Qayyim, ibn Taymmiya, Al-Ghazzali, restent inconnus de l'Europe. Les moines d'occident ont plutôt appris la théologie musulmane à travers les philosophes, ce qui expliquerait peut être certaines distorsions, lorsqu'on connaît la grande liberté d'interprétation des textes à cette époque. Mais on sait aussi que les grands ouvrages théologiques ont été censurés, et non retranscrits en langue latine lors de la Renaissance européenne.

Si en occident, l'on met beaucoup l'accent sur l'imprimerie, élaborée par Gutenberg, jouant un rôle important dans la diffusion du savoir en Europe, notamment grâce à la création de caractère métallique facilitant ce processus, cela n'aurait pu être sans prime abord la connaissance de fabrication du papier. Le papier viendra remplacer le parchemin, ce dernier extrêmement coûteux, réservé aux plus riches, ou à l'élite cléricale. Technique de fabrication du papier connu tout d'abord des arabes, qu'ils apprendront au contact de prisonniers chinois à Samarcande, lorsqu'ils les autoriseront à se racheter par l'exercice d'un métier, certains se révéleront alors doués pour la fabrication de cet article426. Ce savoir-faire se diffusera, atteindra Bagad, centre internationales des Sciences de l'époque, puis inondera la civilisation islamique. Les musulmans amélioreront le procédé en établissant des manufactures le produisant en abondance, si bien qu'ils l'utilisaient déjà pour faire des emballages et même pour la monnaie. C'est grâce à la banalisation du papier, et son faible coup, que la science pouvait être aussi bien, facilement transmise, qu'accessible par le plus grand nombre. Durant le Haut Moyen-Age, contrastant avec la civilisation musulmane, dans laquelle tout le monde souhaite apprendre à lire et à écrire dès le plus jeune âge, l'occident reste principalement analphabète, et seuls certains clercs ont cette science de la lecture.

Cette diffusion exponentielle du savoir sera profitable aussi bien pour l'Orient que pour l'Occident. L'apport des sciences arabes à l'occident est monumental. Les musulmans sont les fondateurs de la méthode scientifique.

Les premières sciences sous leur forme expérimentale voient le jour. Si cela a été possible, c'est pour trois raisons : l'économie florissante de l'empire, un peuple instruit qui a une volonté de repousser les limites de la science, mais également d'obéir aux commandements divins, et le troisième point le plus important, est le soutient financiers des dirigeants musulmans, créant des institutions réservées pleinement à la science.

L'un des exemple les plus marquant illustrant ce dernier point est celui du calife abbasside Al-Ma'mûn, fondateur d'un des premiers grands observatoires à Bagdad, mais surtout de la Maison de la Sagesse, une institution réunissant tous le savoir universel de l'époque, une grande bibliothèque, ainsi qu'un lieu où les traducteurs, les élèves et les grands maîtres se sont côtoyés : Al-Kindi, Al-Khwarizmi, Al-Jahiz, Thābit ibn Qurra, ibn Matar, Hunayn Ibn Ishaq, les trois frères Banu Moussa (« fils de Moïse »), et bien d'autres s'y retrouverons.

Le Caire, Tunis, Fès, et Cordoue se construiront sur le modèle de Bagdad, ce qui explique également les grands nom qui surgiront de ces endroits : Ibn Al-Haitham (Alhazen), Al-Battani, Al-Biruni, et en particulier en Andalousie : Ibn Ruschd (Averroès), Ibn Sochr (Avenzoar), Ibn Toufayl, Ibn Badcha (Avempace), Abul Qasim, Al-Bitrouchdi, Ibn Al-Baïtar, Ibn Firnas, Ibn al-Hatib, Ibn Khaldoun, Ibn Jubair, Ibn Arabi et Ibn Sabin.

On parle également beaucoup de Léonard de Vinci concernant son génie innovateur, jouant le rôle de pionnier dans la Renaissance européenne. On ne peut dénier son travail en tant qu'artiste, cependant concernant son imaginaire créatif, aujourd'hui on sait qu'une grande partie de ce qui lui a été attribué comme invention, ne sont en rien originales, il n'en a pas été toujours le pionnier, et lui ont été inspiré par des écrits arabes de Sicile et d'Andalousie. Par exemple, en 880, un inventeur arabe du nom d'Abbas Ibn Firnas en Espagne, était déjà la tête pensante de machines volantes, qu'il réalisera et fera fonctionner par ailleurs427. En Andalousie, l'ingénierie se développe avec d'incroyables infrastructures jamais vues auparavant, comme des systèmes d’irrigation des terres, et c'est également la naissance des moulins à vent et à eau.

À Bagdad, parmi les Banu Moussa, Aḥmad ibn Moussa, brillant inventeur, fait preuve d'un génie inventif et technique, exposé notamment dans son Livre des dispositifs ingénieux (Kitab Al Hiyal). Lui et ses deux frères sont à l'origine des premiers automates, les inventeurs de l'interrupteur (marche/arrêt), de différents types de pompes, d'élévateurs d'eau, et de tas d'autres dispositifs mécaniques toujours utilisés à ce jour dans nos objets quotidiens.

Les Banu Moussa seront également passionnés d'astronomie, en particulier Mouḥammad ibn Moussa. Leurs travaux seront d'une telle importance que le grand Al-Biruni demandera aux savants de son époque de se focaliser avant tout sur les observations des trois frères qui ont concentré leurs efforts pour la recherche de la vérité, en maîtrisant d'ingénieuses méthodes astronomiques.

Ayant traduit les œuvres astronomiques d’Hipparque et de Ptolémée, notamment le fameux Almageste, les arabes réutiliseront les mêmes méthodes, et perfectionneront les tables astronomiques de leur prédécesseurs, tout en découvrant de nouvelles étoiles, dont les noms arabes sont préservés encore aujourd'hui : Algénib, Algol, Alcor, Atair, Altaïr, Wéga, Denb, Rigel.

À Damas et au Caire, dans les premiers observatoires, de nouveaux instruments pour le développement de l'astronomie voient le jour, afin de faciliter et de rendre les mesures plus précises :

Maîtriser l'astronomie permettrait alors la navigation. Tous ces outils dont Christophe Colomb se servira pour pouvoir entreprendre son périple et découvrir l'Amérique. Amérique qui en réalité, selon quelques traces historiques, aurait déjà été découverte quelques siècles avant par les berbères, les arabes esclavagistes, des esclaves noirs africains d'Espagne et les chinois428. Expliquant la présence d'une population noire en terres d’Amérique du Sud ainsi que la présence d'interprète parlant la langue arabe. On apprend du fils de Christophe Colomb que son père avait était influencé par les écrits arabes, notamment ceux démontrant la sphéricité de la terre.

Les théologiens musulmans ont longtemps été sceptiques sur l'utilité de l'astronomie, jusqu'à voire parfois cela comme une hérésie :

« Nasir-Eddin cependant désirait poursuivre ses recherches scientifiques et, pour ce faire, avait besoin d'un observatoire. La requête de son ministre des Finances accompagnée de l'évaluation des frais qu’entraînerait son acceptation fit naître des doutes dans le cœur ombrageux du barbare. L'utilité d'un observatoire était-elle proportionnée aux énormes capitaux qu'engouffrerait un tel établissement ? — L'utilité de l'astronomie, lui répondit Nasir-Eddin, je te la prouverais sous peu.
Avec la permission de Houlagou, Nasir-Eddin fit secrètement hisser un grand bassin de cuivre sur le toit du palais. Et le soir venu, alors que tous les grands dignitaires étaient rassemblés autour de l'Il-khan, il donna à leur insu l'ordre de faire basculer le bassin du haut du toit.
La chute de l'objet provoqua un effroyable vacarme qui glaça d'épouvante toute la compagnie à l'exception bien entendu de Houlagou et de Nassir-Eddin.
— Vois-tu, dit celui-ci à son maître, seul demeure impassible celui qui connaît le pourquoi des choses. Or, l'un des avantages de l'astronomie réside précisément dans le fait que l'initié, comprenant ce qui se passe, peut observer les événements avec sang-froid sans se laisser effrayer comme l'ignorant.
[...]
Nasir-Eddin at-Toussi avait obtenu de son maître un observatoire auquel nul autre ne pouvait être comparé. La haute qualité des instruments d'observations dont il fut équipé contribua par-dessus tout à l'immense renommée dont il jouit dans tout l'Orient. » — Sigrid Hunke429

Si l'on continue sur l'émergence des savants européens lors de la Renaissance, il y a l'astronome polonais, Nicolas Copernic, qui doit beaucoup à la pensée islamique. Dans ces ouvrages, on retrouve les mêmes schémas que ceux présents à l'intérieur des œuvres de l'iranien Nassir Eddin at-Toussi, dont la remise en cause du géocentrisme, soit du fait que la terre soit le centre de l’univers. La grande similitude des schémas dans leurs travaux ne constitue qu'une preuve parmi tant d'autres.

En 1935, l'Union Astronomique Internationale, baptise un cratère de 52 kilomètres de diamètre sur l'hémisphère sud de la Lune, du nom de « Nasireddin » pour lui rendre hommage.

En réalité, les premiers imams et muezzins de la civilisation musulmane, n’ayant pas encore d'outils pour mesurer le temps, il leur était quasiment obligatoire d'être des experts dans le maniement des instruments astronomiques430. Pour établir le temps des prières ou encore décréter le mois de ramadan, les cadrans solaires ou astrolabes leur servaient d'horloge. C'est la raison pour laquelle, les personnes disant que les calculs astronomiques ne devraient pas être utilisés pour déclarer le mois de ramadan, sont d'une ignorance profonde. Pourquoi aurait-on le droit d'utiliser l'astronomie pour déterminer les temps de prière, mais pas pour l'apparition de la nouvelle lune ! Quelle contradiction évidente !

Muezzin : Fonctionnaire musulman attaché à une mosquée, ayant pour principale fonction l'appel des fidèles à la prière, cinq fois par jour, depuis le haut du minaret.

Ce n'est qu'au Xème siècle que les premiers astrolabes furent importés en Europe, notamment grâce à de jeunes étudiants européens durant leur séjour dans les universités arabes. Il faudra attendre trois siècles pour que l'Occident commence à fabriquer ces propres astrolabes avec des inscriptions latines.

Mais culturellement, l'influence de l'Orient sur l'Occident se fera également par l'Espagne. Sous la domination musulmane pendant près de huit siècles, la péninsule ibérique, sera le lieu de l'apogée intellectuelle de l'islam.

On note tout d'abord le développement des arts islamiques, qu'on peut discerner à travers l'architecture des mosquées, même si l'aspect extérieur n'a jamais était une importance, qu'elle soit cubique ou qu'elle ressemble à un palais, cela compte peu en réalité. En revanche, la décoration intérieure doit suivre certaines règles, pas de représentation animale, ou humaine. Absence de dessins sensoriels, susceptibles de stimuler l'imaginaire des musulmans, et de les détourner de la concentration nécessaire durant la prière, pour se sentir proche de Dieu, dénué de toute image. Uniquement des motifs abstraits, ou des enluminures calligraphiques arabes, inscrivants des sagesses profondes ou des versets coraniques, entourés la plupart du temps de formes géométriques. On y trouve également une certaine symétrie, traduisant l’équilibre, et parfois des motifs qui résultent de formules mathématiques.431

Les codes romantiques, de l'amour, de la poésie, de la galanterie, naissant lors de la Renaissance en Occident, et particulièrement en Italie, mais qui se diffuseront en France et en Espagne également, comme le baise-main ou les déclarations d'amour par la poésie, sont des comportements dont la référence originelle est orientale. Tous les comportements de servitude à l'être aimé(e) sont en réalité des attitudes tirés de la civilisation musulmane.

À cette époque les femmes étaient courtisées, loin de tous les clichés abjects des harems, des femmes enfermées et soumises, clichés qui ne dessinent qu'une partie de la réalité du décor. Certaines femmes musulmanes assumaient totalement de ne pas vouloir porter le voile malgré les pressions des conservateurs, certes minoritaires en Espagne, il faut le dire. Les femmes prenaient part aux débats de société, elles avaient leur place dans le débat intellectuel, qu'il s'agissait de femmes de la haute société ou de la femme esclave, toutes jouissaient d'une certaine liberté et d'une indépendance, aussi bien d'esprit que d'attitude, qui n'aurait rien à envier au monde moderne. Il y avait également énormément de poétesses, dont les noms de 60 d'entre elles ont été conservés.432

Une culture rayonnante se dessine, et une liberté d'expression totalement libérale, avec notamment d'énorme transgression à l'islam tout de même. Des dérives théologiques non négligeables, comme celle du grand médecin Ar-Rasi (Rases) qui avait des interprétations complètement libres, jusqu'à dénier l'existence du paradis, si bien qu'aujourd'hui, ce genre de personnage ne serait pas considéré comme musulman.

C'est également en Andalousie, grâce à l'incroyable tolérance musulmane, que le peuple juif connaîtra sa véritable période d'or (poésie, grammaire, philosophie, ... hébraïque), durant le XIème siècle433. Le monde musulman a toujours été protecteur des juifs, contrairement au monde chrétien catholique qui les a souvent méprisés, et accusés de tous les maux de la terre. Les Juifs vont contribuer également à la diffusion de la pensée arabo-musulmane en Europe, particulièrement grâce à Moïse Maïmonide, un contemporain d'Averroès.

Ceux qui ont contribué à la diffusion de la science arabe en Europe seront aussi les rois des royaumes limitrophes, souvent amateurs de science, comme Alphonse X de Castille, Frédéric II, ou encore Roger II de Sicile. Ce dernier, voulant fonder une institution comme celle qu'on trouvait à Bagdad, entreprit une traduction des écrits arabes en latin, et c'est de cette façon que l'occident redécouvrit peu à peu la pensée grecque qui le conduira à sa Renaissance.

Durant ces traductions, des mots dont les concepts n'ont pas d'équivalent en latin sont construits en fonction de leur prononciation. Si bien que nombreux sont les mots de la langue française par exemple, qui sont issues de la langue arabe. En voici une liste non exhaustive : abricot, albatros, alchimie, alcool, algèbre, almanach, amalgame, amulette, bananes, benzène, blouse, câble, café, carafe, chèque, chiffre, chimie, divan, drogue, élixir, émeraude, épinard, girafe, gnou, guitare, hasard, lilas, limonade, luth, magasin, marabout, matelas, momie, orange, riz, saphir, sirop, sofa, sorbet, sucre, tabouret, talisman, tarif, ...

Une autre façon moins heureuse, qui malgré tout allait concilier les deux civilisations durant un temps, sont les croisades. Les premiers croisés qui partaient en destination de Jérusalem étaient accompagnés de moines et de pèlerins chrétiens, dont certains étaient uniquement curieux de ce nouveau monde. Ils revenaient d'Europe souvent émerveillés de la science arabe. Lors de la prise de Tolède par les Croisés, en Espagne, ils découvrent la grande bibliothèque, munie d'un savoir immense regroupant toutes les sciences arabes. Beaucoup de ces livres ont servi de butins de guerres aux chrétiens et ont été amenés en Europe. De ce moment, surgira les institutions universitaires dans toute l'Europe, des lieux aussi bien de recherche que de traduction en langue latine verront le jour, se construisant sur le modèle arabe.

Les croisades chrétiennes, par la reprise totale de l'Andalousie jusqu'à Grenade, dernier bastion des musulmans, marqueront la fin de l'âge d'or de la civilisation islamique, qui sombrera dans l'état qu'elle connaîtra aujourd'hui. Des bibliothèques entières furent brûler, on estime à plusieurs millions le nombre de volumes détruits, la disparition brutale du produit intellectuel des musulmans de prêt de huit siècles. C'est parce que nombreux de ces livres ont disparues, que beaucoup se permettent de réfuter cet âge d'or, car détruire ces ouvrages, revient à détruire une civilisation, raison pour laquelle, ce monde ne se relèvera pas.

Quoi de mieux pour réduire une civilisation au silence, que de détruire son héritage culturel, sans vouloir faire d'allusion ici au mondialisme qui utilise le même principe, excepté que ce dernier, au lieu de détruire directement la culture, s'attaque aux esprits des individus afin qu'ils se détournent eux-mêmes de leur propre culture et de leur tradition.

Une chose également que l'on oublie souvent de dire, du fait que l'islam a popularisé l'instruction, si cette religion dérange encore aujourd'hui, c'est avant tout parce qu'elle politise les individus. Instruire les gens, les politise de fait, et cela dérange toujours les hommes de pouvoirs. C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, de prétendus théologiens musulmans cantonnent la religion en obstruant et occultant de leur discours et de leur réflexion, nombreux versets du Coran ou même de hadith, qui permettent d'éveiller la conscience citoyenne et patriotique. Le fait de se sentir concerné dans l'appartenance d'un groupe, d'une nation, peu importe la classe sociale, il n'y a que l'islam pour construire cela.

Ce fut dans le même temps au niveau théologique, la fin de l'ijtihad, effort de réflexion en vue d'interpréter les textes saints, qui dérangeait les nouvelles autorités de l'empire à venir, moins pieuses et plus tyranniques. Effort que les musulmans, à l'heure de la mondialisation et d'internet, espèrent pouvoir reprendre durant ce XXIème siècle, raison pour laquelle l'Occident le diabolise.

Le fait que certains intellectuels occidentaux aient été élèves d'enseignants musulmans, qu'une grande partie de leur science, mais aussi de leur culture ait été imprégnées du monde arabe, que des ouvrages d'intellectuels musulmans se sont édifiés en référence en Europe pendant plusieurs siècles, toutes ces choses ont été longtemps passées sous silence dans l'histoire officielle, jusqu'à parfois dénier les origines et les propriétés intellectuelles.

La Science, l'Islam, et son Influence sur l'Occident ? (2)


Le premier constat que nous sommes obligé de faire concernant la science durant l'âge d'or islamique, et qui contraste avec les systèmes modernes, est l’incroyable polyvalence des scientifiques, qui se dévoilent et contribuent à l'intérieur même de différentes sciences. Ils ne sont pas seulement des amateurs de sciences, mais de véritables références, et pionniers dans plusieurs domaines. Par exemple Ibn Sina, est à la fois un grand philosophe et un grand médecin, et s’intéressera à l’astronomie et la chimie. Ou encore Averroès, également grand philosophe et grand médecin, mais avant tout juriste, qui laissera une empreinte dans l'astronomie.

Le deuxième point important que l'on peut noter, est sûrement le fait que les musulmans sont les premiers scientifiques de l'histoire des hommes, si l'on entend le terme de « science » dans le sens moderne. En effet, on attribue à tort le début des sciences expérimentales à la Grèce antique. Or, si l'on regarde les travaux des Grecs et leur philosophie, l'expérimentation par les sens est une chose dont ils se méfiaient. La seule chose dont les Grecs avaient confiance était la raison abstraite. Ainsi, leur rapport à la science empirique n'existe pas, si bien que Ptolémée, par exemple, pensait par la raison spéculative, et était arrivé à la conclusion que l’œil émettait un champ visuel, ce qui permettait à l'homme de voir les objets, ce qui est évidemment faux. Nous pourrions citer également l'exemple de la théorie atomiste, défendu par Démocrite, qui aujourd'hui est utilisé en physique, et donc s'avère être une modélisation de la matière proche de la réalité. Ce qui montre que la raison spéculative peut arriver à une certaine cohérence. Cependant la méthodologie par le raisonnement uniquement reste fragile sans expérimentation.

Le Coran accordera une place à l'empirisme, sur l'importance d'examiner le monde et la réalité par nos sens, comme la vue. Ce qui inspira les musulmans, et surtout Ibn Al-Haytham au XIème siècle, qui sera le pionnier de la méthode scientifique devant suivre une démarche toute particulière : la répétition des phénomènes physiques observés ; la reproductibilité des expérimentations et des observations, et enfin, une théorisation de lois générales à partir des résultats des observations, devant se traduire par des formules mathématiques. Démarche semblable à la méthode scientifique moderne toujours actuelle, utilisée par les universitaires.

Ibn Al-Haytham sera également le véritable fondateur de l'optique, dont l’œuvre principale est le Kitab al-manazir (Livre de l'Optique). Il mettra à défaut les thèses de Ptolémée, en se penchant en premier lieu sur la question de la lumière comme objet physique. Il est le premier à comprendre qu'elle se propage en ligne droite, en expérimentant la première chambre noire. Il découvre les composantes de la lumière blanche, et comprend le phénomène de l'arc-en-ciel. Il remettra en cause le fait que l’œil n'émet pas de rayons visuels, mais qu'il n'est que le récepteur passif de la lumière émise par les objets. Il décrit les phénomènes de diffraction et réfraction de la lumière lors de changement de milieu, et découvre les lois de projection lumineuse. Ce qui lui permettra de mieux comprendre le fonctionnement de l’œil humain, comme le cristallin, lentille naturelle de l’œil qui permet cette déviation de la lumière. Grâce à cette connaissance, il fabriquera des instruments tels que des loupes, ou des « télescopes », ainsi que des miroirs grossissants, etc... Toujours grâce aux lois de propagation de la lumière, il calculera avec une précision déconcertante l'épaisseur de la troposphère. Il décriera l’œil humain anatomiquement, comme cela ne l'a jamais été auparavant, et servira de base pour le modèle actuel. Il mettra en évidence la persistance rétinienne. Ses découvertes sur la lumière le conduiront à l'étude des astres, et notamment par comprendre que toutes les étoiles émettent leur propre lumière, exceptée la lune, recevant celle du soleil. Il étudiera la nature des projections de l'ombre, dont il fera un livre, afin de comprendre l'obscurité sur terre lors des éclipses.

Il est considéré comme l'arabo-musulman ayant le plus influencé l'Occident, puisque la science de l'optique d'Ibn al-Haytham, se retrouve dans les travaux de l'Anglais Roger Bacon, ainsi que du polonais Vitellion. Sa chambre noire n'est que l'ancêtre de la camera obscura attribuée plus tard à Léonard de Vinci. Enfin, ses instruments d'optique influenceront Kepler, dans la fabrication de lunettes astronomiques, qui permettront à Galilée de faire ses découvertes.

Très bon mathématicien, Ibn al-Haytham sera capable de résoudre des équations du quatrième degré, il s’intéressera aux nombres parfaits, et sera le premier à énoncer le théorème de Wilson.

Mais parmi les mathématiques, le nom d'ibn Al-Haytham n'est pas le plus retentissant. Le nom le plus important est celui d'al-Khawarizmi, musulman d'Asie centrale du IXème siècle. Contrairement aux grecs qui résolvaient les problèmes mathématiques complexes par la géométrie, les arabes, eux, essaieront de tout rendre arithmétique, chiffré, notamment par la trigonométrie et l'algèbre.

Au-delà de tous préjugés, les chiffres indo-arabes sont donc avant tout indiens, y compris le zéro, trouvé déjà dans la littérature indienne, mais c'est al-Khawarizmi qui va les diffuser et les intégrer dans le système algébrique. Seuls les mayas et les indiens sont parvenus à cette écriture des nombres sans avoir à préciser les ordres (unité, dizaines, centaine). Il aura fallu très peu de temps pour les arabes d'accepter ce système décimal, puisqu'il suffisait d'un symbole pour un chiffre, et ainsi, facilitait les calculs, comme les opérations d'arithmétique en colonne (contrairement aux chiffres romains). Ce système était aussi utile pour l'interprétation du droit musulman. Par exemple cela a été nécessaire dans l’exégèse coranique, comme l'utilisation des fractions, dans les lois d'héritage en islam, fractions totalement méconnues des premiers arabo-musulmans. En revanche, en Occident la diffusion des chiffres indo-arabes a été plus compliquée, et a constitué une lutte de plusieurs siècles. Principalement du fait que ce nouveau système numérique ait été transmis par les arabes, les a longtemps dérangés, y voyant de nouveau l’œuvre de la sorcellerie. L'Histoire l'a si vite oublier, si bien que l'Occident n'a redécouvert seulement au XIXème siècle, l'origine de la diffusion des chiffres en Europe par les arabes, via l'Italie.

Ce qu'Al-Khawarizmi apportera de nouveau, c'est une méthode généralisée pour trouver toutes les solutions d'une équation du second degré dans une configuration particulière, sans passer obligatoirement par la géométrie. Le terme « algorithme » est une latinisation de son propre nom, ainsi que le terme « algèbre », vient de « al-Jabr » qui signifie « achèvement », est un procédé d'élimination des termes négatifs d'une équation, pour faciliter sa résolution.434

Abu Kamil sera un de ses successeurs dont les travaux influenceront le célèbre mathématicien italien Fibonacci, diffusant alors la pensée algébrique dans le monde occidentale.

Pour pouvoir se répandre, dès ses débuts le monde musulman a besoin de développer une science afin de naviguer aussi bien sur la mer que sur la terre. Par chance, le Coran mentionne beaucoup de fait sur l’astronomie et la navigation par voie des océans.

« Par la science des astres l'homme accède à la preuve de l'unité de Dieu et à la connaissance de la prodigieuse grandeur, de la sublime sagesse, de la puissance et de la perfection de Son Œuvre. » — Al-Battani

Les arabes étaient beaucoup plus investis que les grecs et les romains concernant l'étude des étoiles et donc de l'astronomie. Car la nuit tombée, dans le désert dépourvu de montagnes, les astres étaient leur seul moyen de repères. Grâce au développement du nouveau système mathématique, leurs calculs seront beaucoup plus précis, et de nouvelles étoiles seront découvertes.

En revanche, si l'astronomie se développe, l'astrologie grecque est immédiatement dénoncée en tant que discipline non scientifique, causant du mal à la véritable science. Al-Biruni et Ibn Sina critiqueront violemment l'astrologie en réclamant son abolition.435

Cette science de l'astronomie pour la navigation sera liée également, à la représentation de la terre dans l'espace. Al-Biruni évoquera la rotation de la terre sur elle-même, 500 ans avant Copernic. La rotondité de la terre est une banalité dans le monde musulman, et dès ses origines, est immédiatement acceptée comme vérité, si bien que l'on en trouve la trace écrite chez tous les types de savants, historiens, philosophes, géographes, sociologues, médecins.

Et particulièrement chez tous les géographes, comme Ibn Rustah, Ibn al-Faqih, Ibn Khordadbeh, Ibn Khaldoun (fondateur de la sociologie) et Al-Mas'ûdî (ces deux derniers avant tout historiens).436

La géographie se développe nécessairement à l'importance de connaitre les différentes contrées, et surtout les voies de navigation pour le commerce. Ce sont également les récits de voyages, dont ibn Khaldoun sera l'initiateur, qui laisseront énormément de traces sur l'histoire des villes, leur géographie, leurs paysages et leurs cultures.

Le nom qui sera le plus retenu dans le domaine de la géographie est celui d'Al-Idrissi, excellent cartographe, il rédigera le fameux ouvrage dans lequel sera retracé le monde connu, à la demande de Roger II, roi normand de Sicile.

Que serait alors l'ambition de Christophe Colomb de rejoindre les Indes par l'océan Atlantique, sans l’existence de tous ces travaux, puisque l'on sait aujourd'hui par le témoignage de son fils, qu'il eut vents de toute cette littérature arabe en Italie.

Pour terminer, la médecine sera la science la plus développée par les musulmans, du début à la fin. Et cela a commencé par la construction des institutions nécessaires. Les musulmans inventent l'hôpital réservé aux malades. À Cordoue les soins étaient entièrement gratuits, si bien même que certains patients repartent avec des pièces d'or afin de leur permettre de ne pas reprendre le travail immédiatement. On y mangeait tellement bien dans les hôpitaux que certains faisaient semblant de tomber malade. L'hygiène dans l'établissement était indispensable. On n'en veut pour exemple celui du médecin Al-Rasi (Rhazès), qui était chargé de choisir l'emplacement de la construction d'un nouvel hôpital à Bagdad. Pour ce faire, il dissémina dans les quatre coins de la ville, des morceaux de viande de moutons, du même âge et qu'on venait seulement de découper, afin de voir, 24 heures plus tard, la viande qui serait la plus fraîche : il s'agira alors de l'endroit idéale pour la construction de l’hôpital. Sans précédents, les musulmans développeront l'organisation des hôpitaux en différents blocs : asile, maison de retraite, maison de convalescence, centre de traitement médicale, bloc chirurgical, service d'orthopédie, mais également, des classes d'enseignement pour former les futurs médecins, aussi bien à la théorie qu'à la pratique, du fait de la proximité.

Tout ceci fait entièrement contraste avec l’Occident, où, à la même époque, la maladie n'est vue que comme une malédiction divine. Les hôpitaux ne sont que des lieux où sont entassés orphelins, miséreux, personnes âgées, fous, malades, sans distinctions de traitement. Les connaissances de médecines étaient très succinctes, par exemple, l'on pensait que le pus des blessures était une manifestation de guérison, et qu'il fallait tout faire pour l'entretenir le plus longtemps possible. Les maladies mentales étaient perçues comme l’œuvre du démon, et des rituels religieux tels que des exorcismes étaient pratiqués en vue de soin.

Dans le monde musulman, il en est d'une tout autre façon, et l'empirisme en sera pour beaucoup. Al-Rasi et Ibn Sina seront les deux grands médecins qui influenceront et feront évoluer la discipline, et leurs ouvrages resteront des références jusqu'au XIXème siècle en Europe.

Al-Rasi est le premier à prendre en considération la dimension personnelle thérapeutique des patients malades. Il évoque le fait de « bien interroger le malade » en vue de poser un diagnostic individualisé (par exemple, le traitement d'une même maladie sera différent selon que la personne sera plus ou moins âgée). Il teste préalablement les médicaments sur les animaux, qu'il prescrira à ses patients. Il rédige également le premier traité de psychologie au sens moderne, et sera le premier à s'intéresser à l'aspect psychosomatique des maladies. À cette époque, dans les pays musulmans, le fou est libre de faire sa vie, si celui-ci n'a pas de comportement antisocial, c'est-à-dire de violence, ou de nuisance à la société. Al-Rasi fut le premier à utiliser le boyau de chat pour les sutures. Ses diagnostics de la variole et de la rougeole sont parmi les réalisations médicales les plus importantes. Sa description est si minutieuse et détaillée qu'aujourd'hui encore nous n'avions rien eu à ajouter.437

Quant à Ibn Sina, son œuvre est incommensurable, une véritable encyclopédie de la médecine. On lui doit de nombreuses nosographies qui n'ont subi aucun changement à ce jour.438

Nosographie : MÉD. Description et classification des maladies d'après leurs caractères distinctifs.

Grâce à ces travaux, Ibn Al-Nafis, médecin syrien, sera le premier à décrire complètement la circulation sanguine et pulmonaire, et s'inscrit en porte à faux, par le procédé de la dissection. Il découvre l'oxygénation du sang dans les poumons, la circulation coronaire, c'est-à-dire que le cœur est alimenté en sang n'ont pas par les ventricules, comme le pensaient ses prédécesseurs, mais par les vaisseaux qui entrent à l'intérieur même du muscle. Il constate l'absence d'air à l'intérieur des veines contrairement aux croyances grecques. Ibn Al-Nafis remarque, longtemps avant Servet (à qui les occidentaux ont attribué cette découverte), que les parois des artères pulmonaires sont plus épaisses que celles de la veine pulmonaire.439

Un autre nom important est celui d'Abu al-Qasim, fondateur de la chirurgie, qui recensera une liste de 200 instruments chirurgicaux (bistouris, ciseaux, sondes, stylets, cathéters, scies, attelles, otoscopes), dont il est pour la plupart lui-même l'artisan, et qui sont toujours utilisés aujourd'hui par les chirurgiens, bien que certains aient pu subir quelques améliorations.440

Tous les noms cités de médecins ci-dessus, et bien d'autres encore, tel Al-Kindi, Ibn Rushd, Ibn Zuhr, Ibn al-Baitar, Ibn an-nafs, Al-Biruni, sont tous responsables des progrès en pharmacologie, fortement liés au développement des connaissances en botanique, notamment par les plantes médicinales. C'est à Bagdad que la première pharmacie voit le jour. Ar-Rasi, grâce à son savoir en chimie, est le premier a utilisé l'éponge soporifique, permettant l'anesthésie pendant les opérations chirurgicales. Les musulmans sont aussi les premiers à émettre l'idée de contagiosité, qu'une maladie puisse se transmettre d'un corps à l'autre par contact.

Il serait difficile de faire tout l'étalage des découvertes en médecine, que ce soit en description de maladies, de l'étiologie, de la classification, des traitements, des méthodes de recherches thérapeutiques. La médecine est tellement vaste, et le corps humain complexe, qu'énumérer toutes les découvertes de tels nerfs par tel érudit serait ridicule ici.

L'usurpation des propriétés intellectuelles de certaines découvertes islamiques, s'est faite souvent sans aucune gêne dans le monde occidental, à travers la censure et l'occultation des sources. L'apport de données scientifiques des musulmans à l'histoire de l’humanité a été trop important pour pouvoir le quantifier, sachant qu'une grande partie de la littérature arabe a été perdue, brûlée par les conquêtes chrétiennes. La recherche aujourd'hui continue de retrouver des travaux de cette époque, par d'éventuelles copies qui aurait échappées à la destruction.

Tome III - La Science | Chapitre 3 - La Civilisation Islamique et la Science

Tome III - La Science | Chapitre 3 - La Civilisation Islamique et la Science